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Questions du SNESUP Paris 13 aux candidats à l’élection du Président d’Universite de l’USPN
Réponses de Benoit Berthou
mercredi 21 octobre 2020, par
1. La LPPR prévoit d’augmenter encore la part des budgets fléchés sur des projets financés par l’état par rapport à celle des budgets récurrents. Qu’en pensez-vous ? Les appels à projets sont très chronophages pour les collègues. Comment envisagez-vous ce problème ?
Benoit Berthou - Je suis directeur du SAIC et à ce titre rompu au mécanisme des appels à projet et je tiens à dire très clairement qu’il y a quelque chose que je ne comprends pas dans le projet de loi « LPPR ».
Dans notre université, comme dans d’autres, une large partie de notre activité s’inscrit dans le temps long. La recherche fondamentale a par exemple besoin de temps, que ce soit pour définir des protocoles expérimentaux et méthodologies d’études ou pour progresser vers des résultats de la recherche susceptibles d’être transmis à la communauté par voie de publication ou à la société par le transfert de technologie. Et sans recherche fondamentale, il n’existe pas de recherche appliquée : ces deux dimensions vont toujours de pair. L’ensemble des chercheurs que nous accueillons au SAIC ne me démentiront sans doute pas.
C’est encore plus vrai en ce qui concerne la formation : l’enseignement, l’ensemble des transmissions de savoir et de savoir-faire, se mesurent à l’échelle de décennies, voire plus, et un parcours d’étude « complet » à l’échelle de plusieurs années.
Il y a un décalage flagrant entre ces temporalités, ce qu’elles nécessitent de patience et de construction sereine, et la temporalité des appels à projets. Et ce décalage ne pourra être résolu qu’en amendant cette loi. Le montage qui consiste à nourrir les budgets récurrents des laboratoires par le biais d’un préciput « banalisé » lié aux projets obtenus n’est qu’une manière de reconnaître qu’il y a problème. C’est une proposition intéressante car elle sert la communauté, mais sera-t-elle suffisante pour régler ce problème de l’articulation entre budgets récurrents et sur projets ?
Celui-ci me semble devoir être pensée autrement et c’est ce que je défendrai au sein de la CPU ou d’autres organismes représentant les universités.
Il me semble qu’il faut penser la recherche (et également la formation) au regard d’une responsabilité sociale et sociétale. Que l’on identifie par exemple de priorités, organisées autour d’objectifs de développement durable et d’évolutions de nos modèles de société. Et que l’on s’interroge ensuite sur les structures (ANR, universités, organismes de recherche) qui sont à même de permettre de les atteindre, et ce faisant sur la construction budgétaire idoine.
C’est un peu l’ambition de l’Europe et de deux des « piliers » des programmes H2020 et dorénavant FP9. Ils sont construits autour de priorités soumises au parlement européen et proposent des réponses collaboratives aux défis continentaux. Ce n’est pas le modèle idéal car il s’agit encore de financements par trop aléatoires mais on s’inscrit au moins dans une volonté de partage et une idée intéressante du rôle de la recherche.
Quant à l’organisation qu’elle esquisse, la LPPR ne suit pas cette voie. L’une des propositions du premier des trois rapports qui ont permis son élaboration me semble ainsi bien timide : la création d’un Comité stratégique de la recherche et de l’innovation, qui serait composé de seulement 12 membres et directement rattaché au premier ministre.
Pensée de la sorte, cette structure est étriquée vis-à-vis des enjeux relatifs à la recherche : pourquoi ne pas ouvrir la réflexion, et ce faisant la décision, au parlement ? Après tout, celui-ci vote les budgets de la recherche, que ce soit en terme d’orientation ou de structure (récurrente, sur projets) et nous parlons des priorités en matière de recherche…
Cela permettrait en tout cas d’avancer sur la vraie question que doit selon moi poser une loi sur la programmation de la recherche : les rapports entre recherche, université et société.
2. La LPPR prévoit la mise en place de CDI de mission scientifique, qui n’ont le nom de durée "indéterminée" que parce qu’ils peuvent être interrompus à tout moment par l’employeur. Quelle sera votre politique vis-à-vis de ce nouveau statut ?
3. La LPPR prévoit la mise en place de "tenure tracks" pour recruter des enseignants-chercheurs soumis à une période d’essai de 5 à 7 ans avant un éventuel poste pérenne. Avez-vous l’intention d’en mettre en place dans notre Université ?
Benoit Berthou (questions n°2 et 3) -Afin de répondre clairement, je regroupe ces deux questions. Des trois rapports préliminaires à la rédaction de cette loi, le plus « étonnant » me semble être celui qui concerne les Ressources Humaines. Il semble en effet bousculer les procédures et organisations en vigueur dans nos universités. Est-ce productif ? Si l’on veut transformer l’enseignement supérieur et la recherche, mieux vaut écouter et accompagner que risquer la confrontation : c’est une position qui me semble de bon sens et mérite selon moi d’être rappelée.
Présentées de la sorte, ces dispositions semblent en effet être en contradiction vis-à-vis de l’un des objectifs affiché de cette loi : améliorer l’attractivité des métiers de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche. Je ne suis pas certain que la loi esquisse une réponse à la question la plus importante : pourquoi veut-on enseigner et chercher à l’université ? Qu’est-ce qui nous rend attractif ? Pour ma part, je répondrais : la vocation (la volonté de partager avec étudiants et chercheurs), le goût du service public (et la volonté de s’inscrire dans le bien commun : les universités sont des instruments de partage) et le statut d’enseignant et/ou de chercheur qui repose sur des principes d’indépendance et de neutralité.
Sur ce plan, on peut penser que la LPPR « loupe le coche ». Quant à la précarisation, l’argument selon lequel il s’agit avant tout de régulariser un état de fait ne me semble pas vraiment recevable. Certes, tous les laboratoires emploient des contractuels, selon des modalités variables. Il arrive parfois que ce statut soit souhaité par des agents qui entendent construire leur carrière dans plusieurs pays, voire plusieurs disciplines. Mais dans l’immense majorité des cas, il s’agit d’une situation subie qui s’impose à des collaborateurs qui n’ont pas démérité.
Quant aux « tenure track » ou chaires de « professeur junior », le ministère semble avoir bien compris qu’il y a problème. Les récentes négociations sur l’augmentation des flux de recrutements d’enseignant et/ou chercheurs le montrent. Les négociations sont en cours et il faut laisser une place aux discussions avec les organisations professionnelles et syndicales qui ont abouti sur des propositions intéressantes (par exemple accompagnement et réévaluation des rémunérations des enseignants-chercheurs en début de carrière).
Dans l’hypothèse où cette loi serait promulguée telle qu’elle, je proposerai deux choses.
• Tout d’abord, consulter le conseil académique (et pas seulement le conseil d’administration) quant au principe du « 1 pour 1 » : ouverture d’un poste de Professeur des Universités pour chaque Chaire de Professeur Junior. Ce principe devra s’appliquer sans diminution de notre campagne d’emploi et sera conditionné aux avancées actées dans la loi : revalorisation des indemnités des enseignants-chercheurs et amélioration de leur grille indiciaire.
• Engager une concertation poussée avec les organismes de recherche dont nous sommes partenaires. Le CNRS ou de l’INSERM (pour ne citer qu’eux) ont formulé des propositions qu’il s’agit de soutenir comme par exemple l’encadrement très précis de ces nouveaux contrats et la compensation du Glissement Vieillesse Technicité (GVT) qui permettrait aux établissements de conduire des campagnes d’emploi plus larges.
4. La LPPR prévoit une mise en concurrence accrue entre chercheurs et établissements, avec pour conséquence un épuisement général et un désengagement prévisible d’enseignants-chercheurs de leurs activités d’enseignement et d’administration des formations. Il en résultera une diminution de la qualité des formations et une surcharge toujours croissante des enseignants et enseignants-chercheurs les plus investis dans leur mission pédagogique. Comment entendez-vous permettre à tous un exercice équilibré de l’ensemble des missions et reconnaître l’engagement pédagogique ?
Benoit Berthou - Le lien entre formation et recherche est effectivement peu explicité dans ce projet de loi. Pourtant, on peut penser que l’identité de l’université réside précisément dans leurs complémentarités : élaboration et transmission de savoir vont de pair, et le premier vecteur de cette transmission est bien l’enseignement.
Ce lien est bien souvent trop fragile. On voit trop souvent des collègues devoir se mettre en retrait de l’enseignement pour se consacrer à l’avancée de leur recherche ou la rédaction de leur HDR. Il est donc nécessaire de le renforcer et de valoriser l’engagement pédagogique.
La mise en place des Congés pour Projets Pédagogiques est une proposition intéressante. Inauguré cette année, le dispositif se met en place et il sera intéressant de bénéficier d’un retour d’expérience de la part des collègues qui en ont bénéficié. En fonction de celui-ci, je proposerai au Conseil Académique de réfléchir sur l’amélioration et l’élargissement de ce dispositif qui me semble prometteur.
5. Pour les mêmes raisons, une surcharge de travail pèsera sur les collègues BIATSS, déjà trop sollicités et trop peu nombreux. Comment envisagez-vous d’améliorer leurs conditions de travail ?
Benoit Berthou - La question des conditions de travail de nos collègues BIATSS (vous posez la question du nombre de postes dans une autre question) est essentielle et il faut en la matière se garder des effets d’annonce ou de formuler des propositions qui ne prennent pas la pleine mesure du problème.
Cela pourrait avoir des effets néfastes. Depuis quatre ans, je travaille en permanence avec des collègues BIATSS au sein de tous les services centraux et de toutes les composantes et je ressens aujourd’hui beaucoup d’amertume, voire de colère, chez nos collègues. Le sentiment d’être laissé pour compte et de ne pas être reconnu revient souvent dans le discours. Et nous sommes dans une situation qui n’est plus tenable : nous rencontrons aujourd’hui les plus grandes difficultés pour pérenniser nos emplois ainsi que pour recruter, et tout le monde en pâtit.
Pour remédier à cet état de fait, nous formulons une proposition ambitieuse : la conduite d’une démarche Qualité de Vie au Travail. S’inspirant de celles qui furent conduites dans nombre d’établissements et d’administrations, celle-ci permettra de mettre en regard nos missions et nos moyens.
Il s’agit d’analyser nos situations de travail, d’appréhender finement nos activités, ce afin de définir de façon collaborative nos besoins, que ce soit en terme de recrutement, d’outils de travail (cadre de travail, systèmes d’information) ou encore de formation. Conduite et partagée à l’échelle de l’établissement, l’ensemble de la démarche a vocation à structurer le dialogue entre services et agents.
Les objectifs d’une telle démarche sont multiples : simplification (révision de nos procédures et meilleur partage entre services), rationalisation de notre régime indemnitaire (les primes étant repensées en fonction des missions), accompagnement des agents dans leur carrière par le biais d’un programme de formation et d’une projection à l’échelle de l’établissement (Gestion Prévisionnelle des Emplois Compétences).
A tous les échelons, il s’agit de penser les conditions d’exercice et le devenir de nos métiers afin de mieux remplir nos missions.
6. La LPPR pourrait supprimer la référence horaire pour la définition des services d’enseignement (les 192h des EC, typiquement), rendant donc caduque la notion même d’heures complémentaires : charge aux établissements/composantes/départements de répartir la charge d’enseignement entre les collègues. Comment faire dans notre établissement ?
Benoit Berthou - Il me semble que cet article a été amendé et je ne parviens pas en tout cas à le retrouver dans le projet de loi présenté sur le site de l’Assemblée. Si c’est le cas, c’est une bonne chose : la notion de « service d’enseignement » structure l’activité des enseignants-chercheurs. Elle est la garantie d’une équité entre personnels et reflète l’ensemble de nos missions. La faire évoluer sans formuler une proposition cohérente pour la communauté serait fragiliser encore plus nos établissements.
7. La LPPR fait peser un grave danger sur l’ensemble de notre système d’enseignement supérieur et de recherche. Comment un président d’université peut-il lutter contre ce type de réforme nationale ?
Benoit Berthou - La Conférences des Présidents d’Université a selon moi vocation à relayer les positions des élus de ces établissements membres. Plus simplement, un Président dispose d’une parole libre et peut intervenir directement : Bernadette Madeuf et Jean-François Balaudé, présidant l’Université Paris Ouest, n’ont par exemple pas hésité à prendre position à propos de la loi LRU ou de l’augmentation des frais d’inscription des étudiants étrangers.
8. La pénurie d’emplois permanents de toutes catégories et le manque de perspectives de carrière engendrent une augmentation importante de la souffrance au travail. Comment comptez-vous procéder en matière de gestion des postes et des carrières ?
9. Cette même situation engendre une hausse de la précarité, et voit l’Université proposer des contrats indécents (ex : moins de 1000€ mensuels pour 192H d’enseignement à des titulaires de doctorat, car "à mi-temps" sur des postes "d’enseignement"). Proposez-vous une alternative ?
Benoit Berthou (questions n°8 et 9) - Je regroupe les deux questions pour plus de clarté.
Une université qui ne recrute pas et n’assure pas la progression de carrière de ses agents se met en danger. Il nous faut nous donner les moyens de réaliser ces objectifs et cela passe selon moi par une concertation éclairée quant à notre politique de recrutement.
Ce fut par exemple le cas au sein de la commission des postes enseignants à laquelle j’ai participé dans la dernière mandature. Elle fut l’occasion de mettre en commun des analyses et des données quant aux besoins de notre université, ce qui me semble essentiel. Penser nos recrutements de façon collective et documentée me semble permettre de se projeter sur le long terme et d’ouvrir très régulièrement au concours des postes d’enseignant-chercheurs.
Dans la même optique, la commission des postes BIATSS fut une innovation qui pourrait bénéficier de la Gestion Prévisionnelle des Emplois Compétences que je recommande. Celle-ci a précisément vocation à permettre de se projeter dans une carrière.
Enfin, et pour répondre à votre seconde question, je ne comprends pas le sort réservé aux contractuels dans notre université. La situation que vous décrivez n’est pas acceptable, voire pas légale puisque nous sommes en dessous du SMIG. Mais la situation de nombre de nos collègues n’est pas plus tolérable : travailler dans notre université signifie parfois aligner quatre ou cinq contrats de travail à durée déterminée avant de pouvoir espérer une titularisation. Cela place nos collègues dans une situation intenable sur le plan familial ou personnel.
Il s’agit sur ce plan de faire preuve d’humanité par exemple en proposant des CDI. Alignés sur les grilles salariales des fonctionnaires, ils feraient l’objet de revalorisations à intervalles réguliers et pourraient précéder l’obtention d’un concours. Cela ne doit pas devenir la règle, c’est une simple mesure de décence, voire de bon sens.
10. Pour ses missions d’enseignement, l’Université repose en partie sur l’affectation définitive dans le supérieur d’enseignants PRAG ou PRCE. Un certain nombre d’entre eux ont une activité de recherche, rendue très difficile par la lourdeur de leurs services. Que proposez-vous pour encourager ou faciliter d’une part la recherche de ceux qui ont une activité avérée (membres de laboratoires de l’Université par ex), d’autre part leur évolution de carrière vers des postes d’EC ?
Benoit Berthou - Nos collègues PRAG ou PRCE sont effectivement dans une situation difficile. Se voyant attribuer de lourdes charges de service, faisant bien souvent office de cheville ouvrière des formations, il leur est difficile de maintenir une activité de recherche.
Nos collègues font pourtant partie à part entière de notre université et c’est pour souligner ce fait que j’ai souhaité que des personnels disposant de ce statut figure sur la liste que je présenterai aux prochaines élections.
J’avoue que je ne comprends pas leur situation : pourquoi un PRAG ne peut-il pas bénéficier de l’équivalent d’un congé pour recherches ou conversion thématique (CRCT) ? La loi ne le permet pas, ce que je regrette, mais elle offre par contre la possibilité à notre conseil d’administration de voter des dispositions relatives à ces enseignants, notamment en terme d’équivalences horaires.
On pourrait ainsi imaginer de permettre d’attribuer l’équivalent d’une décharge à un PRAG ou un PRCE s’engageant dans un projet de recherche ou de création de formation au bénéfice de notre communauté. C’est un dispositif sur lequel il nous faut très sérieusement réfléchir car l’actuelle situation me semble inique.
11. La mandature précédente a fait exploser les saisies d’accompagnements syndicaux et du CHSCT. Comment envisagez vous le dialogue social et les interactions de la future présidence avec les instances représentatives du personnel ?
Benoit Berthou - Syndiqué depuis plus de 20 ans, dans le privé puis le public, je me suis mis en sommeil de mon organisation depuis ma nomination. Mais je reste très attaché au dialogue social et persuadé qu’un établissement ne saurait se développer sans la participation des représentants du personnel.
Le dialogue social a vocation à faire progresser la collectivité. Il permet de considérer nos modes d’organisation au bénéfice des agents et de la collectivité, a vocation à permettre d’anticiper l’évolution des différents métiers et l’aménagement de leurs conditions d’exercice. Sur ce plan, j’ai été très influencé par les lectures de Michel Crozier et de Michel Foucault.
Les représentants du personnel se verront ainsi proposer de prendre une place prépondérante dans la démarche Qualité de Vie au Travail que je préconise. Celle-ci aura en effet vocation à analyser finement des situations de travail et pourra bénéficier des compétences de ces représentants.
Quelle charge de travail doit constituer la norme pour telle activité ? Quels sont les facteurs de risques inhérents à telle ou telle activité ? Quelles sont les organisations et modes d’encadrement les mieux à même d’accompagner un agent ? Autant de questions, au cœur de l’engagement syndical, qui pourront éclairer ce travail collectif.
12. En septembre 2020, nous disposerons des résultats d’un audit concernant la prévention des risques psychosociaux pour l’ensemble des personnels de l’Université, avec des préconisations précises. Quels engagements prenez-vous vis-à-vis des plans d’action qui se dégageront de cette démarche ?
Benoit Berthou - Ne disposant pas des conclusions de l’audit, et n’ayant pas connaissance de sa méthodologie, je ne peux pour l’instant répondre à cette question. Mais, comme expliqué ci-dessus, ces préconisations retiendront toute mon attention.
13. Comment définissez-vous précisément le terme "excellence" tant pour la recherche, que pour la formation ? Quels liens avec la nécessité pour une université d’être moteur dans le développement de son territoire ?
Benoit Berthou - Faisant le lien entre « excellence » et « territoire », votre question esquisse déjà un modèle d’université. J’y adhère et vais même plus loin : notre université ne participe pas du développement de son territoire mais de sa construction.
Dans notre programme, nous parlons ainsi d’université « métropole » (URL < https://projetpartagep13.frama.wiki/uspnmondeuniv>). Notre établissement nous semble participer de la définition d’une aire urbaine pensée au-delà de distinctions comme « centre/périphérie », « intra/extra-muros » ou encore « Paris/banlieue ». Vivant et travaillant en « banlieue », c’est à titre personnel comme professionnel un mode de pensée qui me semble complètement caduque.
Tout l’enjeu pour notre établissement est de faire en sorte que la population de notre territoire participe de cette construction, ou pour le dire autrement que nous puissions permettre à des individus de se projeter au-delà de distinctions non seulement géographiques mais également de classes sociales.
C’est ainsi que je définirai l’ « excellence » : comme une capacité à valoriser l’espace au sein duquel nous opérons par la visibilité et le partage de nos travaux de recherche et dispositifs de formation. Nous devons participer de la vitalité d’un système de soin, d’un développement économique durable, d’un large accès à une éducation de qualité, de l’élaboration des politiques de santé publique…
C’est pourquoi nous avons souhaité dans notre programme proposer une rubrique intitulée « nos défis sociétaux » (URL < https://projetpartagep13.frama.wiki/societaux>). Pour notre université, l’excellence me semble devoir avant tout être « sociale et sociétale », pour reprendre une formule de Jean-Marie De Ketele.
14. La question des ressources propres est souvent présente dans les programmes. Quels types de ressources propres privilégierez-vous, et pour quel usage ?
Benoit Berthou - La question est effectivement souvent présente et à mon sens mal posée. Oeuvrant depuis plusieurs années au développement des ressources propres de notre établissement, je connais bien le dossier et il me semble qu’il faut adopter sur ce point une position claire.
Par « ressources propres », il faut entendre l’ensemble de nos financements ne relevant pas de la dotation ministérielle. Nous devons selon moi les développer au regard d’un principe : le bien public. Ces ressources doivent relever d’activités reflétant l’engagement de notre université envers la société.
Nous avons vocation à soutenir le tissu socio-économique qui nous environne et qui est, en Seine Saint-Denis, majoritairement constitué de PME et d’ETI. Celles-ci font face à de nombreux défis, à commencer par un difficile accès à l’innovation : ne disposant pas des moyens de certains de leurs concurrents, elles ont le plus grand mal à faire évoluer leurs outils de production et leurs modes de gestion. Tout le travail que nous avons effectué avec le SAIC et notre Société d’Accélération de Transfert Technologique (SATT) Erganeo va dans ce sens : leur permettre de bénéficier des produits de notre recherche en développant des brevets ou déployant de nouvelles technologies.
Nous avons également selon moi vocation à œuvrer pour l’emploi, que ce soit en terme d’insertion (par le biais du développement de l’apprentissage dont je ferai une priorité), de retour à l’emploi et de sécurisation des parcours professionnels (formation continue). L’importance de la formation est essentielle dans le maintien en emploi et pour se prémunir des « accidents professionnels ». Se former est un droit fondamental du travailleur (salarié, libéral ou en recherche d’emploi) et il a fait l’objet de longues luttes syndicales auxquelles j’ai d’ailleurs personnellement pris part il y a bien des années dans la commission « Formation Pro » de la CFDT.
Aujourd’hui, chaque actif dispose d’un Compte Personnel de Formation, financé par les entreprises, lui permettant d’accéder à un accompagnement en terme de développement des compétences, réorientation professionnelle ou bien projet de création d’activité (création d’entreprise, entrepreneuriat).
Notre université a vocation à permettre l’exercice de ce droit, et ce à travers des actions de qualité : nous ne proposons pas, et ne devons pas proposer, des formations « Word/Excel » ou « Coaching personnel » sans programme pédagogique cohérent ni contrôle de la qualité des intervenants… A l’inverse, comme dans le cas de notre incubateur, nous devons offrir un accès à un ensemble de ressources (savoir-faire, technologies…) permettant le développement des projets de chacun.
C’est un très gros travail, que nous avons mené avec succès au sein de notre université (certification qualité, réforme de la formation professionnel), et qu’il nous faut absolument poursuivre.
15. L’attractivité de notre université, notamment auprès des étudiants, repose aussi sur sa capacité à les accueillir qualitativement, par des espaces dédiés, des extérieurs récréatifs et agréables. Que proposez-vous pour améliorer cet accueil ? Le DAPS et Service culturel mènent un travail remarquable sur ces questions. Comment comptez vous les soutenir ?
Benoit Berthou - Le DAPS et le Service Culturel font effectivement un travail remarquable et contribuent à développer une proposition intéressante pour les étudiants. Il fait bon étudier sur nos campus et la CEVEC doit permettre dans l’avenir de renforcer plus encore cette qualité d’accueil. Les deux services seront dotés en conséquence afin d’accompagner cet effort.
Le développement de la vie étudiante passe également par un autre axe : le soutien aux structures encourageant les étudiants à s’impliquer dans leur établissement, et notamment les associations. En la matière, nous pourrions sans doute aller plus loin et participer du dynamisme de la Seine Saint-Denis, département dans lequel les associations sont très nombreuses et jouent un rôle structurant que ce soit dans la culture, l’accompagnement social ou encore la promotion des modes de développement durable. Il serait à mon avis intéressant d’encourager des initiatives relevant de ces thématiques au niveau de notre université car elles pourraient être structurantes au niveau de notre université.
Il y a enfin des initiatives qui ne sont peut-être pas suffisamment mise en avant au niveau de nos campus, et notamment les FabLab. Ceux-ci constituent des espaces partagés d’innovation et d’élaboration de projets de toutes sortes. Ils concernent étudiants, enseignants mais pourraient également potentiellement s’ouvrir à la société civile, sur le modèle des Tiers-Lieux qui sont nombreux dans notre département et jouent un rôle important. Notre université jouerait ainsi, à travers ses campus, un vrai rôle au sein de la société et il serait intéressant d’engager à ce sujet des discussions avec nos partenaires de Plaine Commune et du département.
16. La restauration proposée par le CROUS est chère et en deçà des attentes qualitatives. Comment envisagez-vous les relations avec cet organisme ?
Benoit Berthou - L’action du CROUS me semble par certains égards intéressante (pensons aux repas à 1 euro pour les étudiants boursiers) et c’est une organisation qui a su se moderniser en terme de système d’information (carte Izly, application CROUS mobile…).
Mais c’est également une structure qui souffre des mêmes maux que beaucoup de nos services publics : précarité, recours à des contrats à durée déterminée ou « aidés »… A l’exception des emplois étudiants opérant dans des missions au rythme saisonnier et adaptés à la conduite des études, cette situation n’aide pas forcément à proposer un service de qualité.
C’est bien selon cet axe que le CROUS me semble envisager son développement, comme en témoigne sa communication sur sa politique qualité. Ses missions semblent en effet bien définies et ne sont d’ailleurs pas contestées : c’est sur le versant qualitatif qu’il y a des marges de progression.
Il s’agira donc d’ouvrir un dialogue concernant les prestations et le mode de financement du CROUS. Et j’insisterai notamment sur une dimension qui me semble un peu négligé : la spécificité de notre territoire. L’académie de Créteil circonscrit une zone urbaine très dense aux conditions de vie parfois très difficiles : dans notre programme, nous présentons la cartographie de la Région Ile-de-France au regard de l’Indice de Développement humain élaboré par l’UNESCO et elle met bien en évidence notre spécificité.
Opérer sur ce territoire ou un autre n’est pas comparable. La restauration, et sur un autre plan le logement, étudiante n’a pas la même importance dans le vie quotidienne de nos usagers. Le CROUS propose parfois, voire souvent dans certaines zones, à des jeunes les seuls repas dignes de ce nom. Il s’agit de le prendre en compte et l’actuelle réorganisation de la région académique est l’occasion d’avoir des discussions en terme de budget et de prestation.
17. Malgré les efforts consentis la mobilité internationale entrante et sortante des étudiants reste encore relativement faible. Comment comptez-vous agir sur ce volet ?
Benoit Berthou - La question des relations internationales me semble absolument essentielle et participer de l’une des premières missions de notre université : promouvoir les échanges entre nations et encourager les coopérations entre individus de toute nationalité. A titre personnel, j’ai conduit deux projets Erasmus+ regroupant des étudiants de neuf nationalité européenne et c’est un travail dont je suis fier et qui fut extrêmement enrichissant.
L’actuelle crise sanitaire, et avant elle l’énorme mouvement migratoire qui a secoué l’Europe, mettent bien en évidence la fragilité de ces échanges et coopérations. La question des frontières, de leur ouverture et perméabilité, se pose aujourd’hui dans le discours politique et ailleurs et les universités doivent avoir leur mot à dire et apporter leur pierre à l’édifice.
Ce doit être également le cas de nôtre université et je proposerai pour ce faire d’envisager les relations internationales comme l’un des axes prioritaires de notre action. Si je dis « prioritaire », c’est qu’il s’agit avant tout de les aborder de façon politique : en terme de Relations Internationales, nous disposons d’un service compétent, d’enseignant-chercheurs engagés, mais manquons assurément de coordination.
Aujourd’hui, il n’est par exemple pas possible de dresser un inventaire de l’ensemble de nos partenariats internationaux. Nous avons des contrats de recherche européens, des formations à l’étranger, des coopérations scientifiques et pédagogiques et n’en tirons pas suffisamment parti. Tous ces contacts pourraient pourtant donner lieu à des conventions, enrichir nos partenariats Erasmus et autres et donner lieu à de nouvelles coopérations.
Outre l’Europe, la Francophonie doit également être envisagée. Nous sommes implantés sur un territoire très ouvert et qui se nourrit constamment d’échanges avec l’étranger. Un ancien ministre de l’Education est même allé jusqu’à dire qu’il existait 135 nationalités en Seine Saint-Denis (alors que l’ONU reconnaît 194 pays…). Je ne sais pas si c’est exact, mais une question se pose : que faisons-nous de toute cette richesse ? Les relations internationales peuvent également commencer par des actions de proximité et c’est l’un des axes qu’il faudra envisager avec le Département avec qui nous avons construit d’excellentes relations. Ces actions auront vocation à déboucher sur des propositions enrichissantes pour nos collègues comme pour nos étudiants.
18. L’intégration du DUT dans un dispositif général de Licences Professionnelles, avec la mise en place du "Bachelor", fait peser de lourdes menaces sur les IUT. Comment comptez-vous soutenir les IUT dans cette transformation imposée ?
Benoit Berthou - La mise en place du BUT a donné lieu à de nombreux débats au sein des IUT que j’ai suivi avec attention. Je regrette le calendrier imposé, qui s’est soldé par un gros travail effectué il me semble à marche forcé.
Afin de faire face à cette réforme, il s’agit d’identifier des points de vigilance : par le biais des Programmes Pédagogiques Nationaux et l’ensemble de leurs coopérations très structurées (Association des Directeurs d’IUT, Assemblée des Chefs de département…), les IUT ont su construire des diplômes qui s’inscrivent pleinement dans notre service public. Bien identifiés par les milieux professionnels, attractifs pour les étudiants, nourris par des échanges structurés entre enseignants dans et entre établissements, ceux-ci fonctionnent très bien. Dans nos analyses, je cite d’ailleurs les travaux d’Eric Charbonnier (OCDE) qui montre que la France possède les meilleurs dispositifs d’insertion professionnels à Bac +2, ce qui correspond à un vrai besoin social (URL < https://projetpartagep13.frama.wiki/iutbut>)
Il s’agit avant tout de défendre le DUT et de s’assurer de son maintien. Certes, on me dira que c’est écrit dans les textes mettant en place le BUT mais rappelons-nous que la réforme « LMD » devait également faire une place au diplôme de maîtrise qui a aujourd’hui complétement disparu…
Il y a d’autres axes sur lesquels il faudra soutenir politiquement nos IUT, et notamment l’articulation entre sections de STS (qui délivrent le BTS) et IUT. Il y a là un problème de fonds car deux approches éducatives et cultures professionnelles (des sections supérieures en lycée, des sections technologiques en université) poursuivent le même objectif. Le BUT est censé permettre de mieux les articuler : l’action du ministère sera à cet égard déterminante car nous avons bel et bien besoin de ces deux dispositifs afin d’accueillir l’ensemble des jeunes issus de tous les types de baccalauréat.
Ensuite, il s’agira de prêter la plus grande attention à ce qui constitue à la fois une opportunité et un vrai danger pour les IUT : la structuration des parcours par compétences. Si l’on entend par là repenser nos diplômes par le biais de partages avec les milieux professionnels afin d’identifier des savoirs et savoir-faire utiles à l’insertion professionnelle, cela va dans le bon sens. Cela correspond à la culture de nos IUT et ils possèdent les outils pour mener à bien ce chantier. Il y a par contre également un risque de dilution des parcours diplômant qui pourraient devenir des agrégats de modules si nous ne savons pas ou ne pouvons pas structurer le dialogue avec ces mêmes milieux professionnels. Et là, nous irions à l’encontre de la « culture IUT » et de la volonté des collègues me semble-t-il.
19. Face au manque de moyens humains, les présidences précédentes ont utilisé les volumes horaires des formation comme variable d’ajustement budgétaire, réduisant ainsi les volumes horaires de nombreuses formation, notamment en licence, et amplifiant ainsi la dégradation de l’encadrement pédagogique que nous connaissons depuis trop longtemps. Quelle sera votre politique en la matière ?
Benoit Berthou - En matière de pédagogie (ou en d’autres matières d’ailleurs), le budget ne doit jamais être l’unique instrument de décision. C’est un paramètre parmi d’autres, important car en dépend la souveraineté de notre université, mais à qui on ne doit jamais accorder l’exclusivité.
Il s’agira donc de renouer le dialogue avec les collègues à propos des formations que vous évoquez. C’est d’autant plus important que, parlant de licence, on évoque les étudiants les plus « fragiles » ou du moins peu habitués au fonctionnement de l’enseignement supérieur. Le besoin d’accompagnement est parfois criant, et y répondre fait partie de notre mission première.
Afin de renouer ce dialogue, j’aimerai que deux dimensions soient prises en compte. Tout d’abord, l’avis des étudiants quant à leur formation : on lui donne souvent le nom d’évaluation, terme un peu « couperet » et il s’agit de la penser au bénéfice de notre proposition pédagogique. Un programme mal compris, mal perçu, c’est un diplôme qui sera moins efficace et il s’agit sur ce point de muscler les dispositifs que nous proposons et notamment l’Observatoire de la vie Etudiante. Il doit nous fournir des données permettant d’enrichir la réflexion.
La seconde dimension, c’est l’innovation. L’actuelle crise sanitaire met le distanciel à l’honneur, mais il s’agit d’une démarche contrainte et mal explicitée qui est même parfois perçue comme dangereuse par les collègues. C’est d’autant plus regrettable que ces outils d’enseignement offrent des services intéressants : flexibilité (cours synchrones et/ou asynchrones), partage (ressources documentaires déposées sur des plateformes, qui renouvellent d’ailleurs la tradition universitaire du « polycopié » qui servait de guide aux diplômes), échanges (entre étudiants et secrétariats, ou bien entre étudiants entre eux dans le cadre de forums)…
Les éclairantes études de l’Observatoire National de la Vie Etudiante que nous avons analysé dans notre programme montrent que ces outils répondent à la fois à un désir (nombre d’étudiants souhaitent pouvoir s’engager dans des projets personnels ou associatifs servant le bien commun) et à des besoins sociaux. Nos étudiants travaillent (pour 46% d’entre eux selon ces données), ont des temps de transport supérieurs à ceux des actifs (voir la très intéressante cartographie de l’ONVE sur notre site)… D’où parfois un absentéisme totalement indépendant de leur volonté (URL < https://projetpartagep13.frama.wiki/parcourspros>).
Fort de ces deux dimensions, ils nous revient de lutter contre la « dégradation » que vous évoquez : penser en terme de services aux étudiants, articuler « présentiel » et « distancie » dans le cadre d’un projet pédagogique documenté et éclairé, et permettre l’usage de nouveaux outils d’enseignement dans le respect des objectifs (transmettre et accompagner) et des conditions (rémunération, propriété intellectuelle) de notre métier.
20. Comment comptez-vous améliorer l’articulation des services centraux et des services de proximité sur les missions transverses ?
Benoit Berthou - Il s’agit d’une vraie question dont vous posez bien les termes et que je préciserai ainsi : quelle qualité de service une université doit-elle rendre à ses personnels et usagers ? L’articulation entre « central » et « proximité » doit s’entendre au regard de cette approche : la qualité de service.
Directeur de deux services communs, je participe d’un travail qui bénéficie à laboratoires et composantes : l’appui du SAIC et du CEDIP permet à enseignants et/ou chercheurs et administratifs de se concentrer sur d’autres tâches essentielles à leurs missions. En matière de contractualisation, gestion des partenariats, ingénierie financière ou appui juridique et accompagnement des collègues, l’apport de services centraux bien organisés est un atout indéniable pour la communauté. Ici, la réactivité et l’efficacité me semblent plus importants que la proximité.
Ce n’est pas forcément le cas pour tous les aspects de nos métiers, notamment en terme de gestion de projets ou d’accompagnement des collègues et étudiants qui réclament effectivement une proximité. Pour reprendre le cas de l’organisation de notre DSI, qui a posé directement cette question, le récent organigramme soumis au Comité Technique ne me semble pas suffisamment expliciter cette valeur de la « proximité ». S’il s’agit de bureautique et d’informatique « standard », on peut avoir recours à une efficace structure centralisée. Mais dans d’autres situations, est-ce le cas ? Dans un département « Info », une école d’ingénieur ou plus encore un laboratoire, le terme « informatique » ne me semble pas renvoyer pas aux mêmes besoins, voire au même métier, et cela gagnerait à être précisé.
Il s’agit donc de bien penser cette articulation central/proximité, et pour ce faire je préconise de nous inscrire dans une démarche qualité à l’échelle de l’établissement. Celle qu’a mené le CEDIP pour le compte de toute l’université a permis de renforcer notre mode de fonctionnement. Des services de proximité qui échangent régulièrement, communiquent, mettent à la disposition de leurs agents un vrai plan de formation peuvent aujourd’hui s’appuyer sur des services centraux qui comprennent et intègrent leur modes de fonctionnement. Que ce soit pour nos usagers ou nos personnels (conditions de travail, gestion des carrières…), cette démarche est essentielle.
21. Le montant des primes couplées à des décharges de service accordées à des vice-présidents et chargés de mission nombreux a suscité de vives critiques lors des deux dernières mandatures. Quels engagements êtes-vous prêts à prendre à ce sujet ?
Benoit Berthou - L’équité est à mes yeux un principe fondamental pour la gestion de notre université et l’on ne saurait tolérer toute forme d’iniquité ou d’avantages donné à un personnel. Celle-ci irait à l’encontre de la mission d’un vice-président : fédérer une communauté autour de projets de développement au bénéfice de notre établissement.
Il est absolument nécessaire de valoriser l’engagement au service de notre établissement, et ce qu’il s’agisse d’un vice-président, d’un directeur de composante ou d’un chef de département qui touchent également des primes. Cet engagement est en effet indispensable à la construction de l’avenir de l’université et je propose donc de m’appuyer sur trois principes :
• Mieux expliciter les missions confiées aux vice-président, en terme d’objectifs et d’investissement en temps afin de mieux calibrer les primes proposées.
• Présenter des bilans prenant la forme de véritables plans d’action afin de présenter à la communauté la réalité du travail effectué
• Poser les conditions d’une flexibilité permettant l’engagement dans des missions par le biais de mobilités professionnelles pensées comme des détachements ou emplois fonctionnels.
Je prends mon cas personnel : si je me suis engagé il y a quatre ans au service de notre université, c’est en changeant de métier. J’ai pris la direction de deux services centraux et me suis formé à ses responsabilités. Elles sont très différentes et tout aussi chronophage que mes précédentes fonctions d’enseignant-chercheur : la décharge complète ne constitue pas un avantage et aurait d’ailleurs sans doute pu être remplacée par une sorte d’emploi fonctionnel (sur le mode des DGS ou Agent comptable).
Placé sur un poste de direction pour une durée donnée, l’agent reprendrait à la fin de ce mandat ses fonctions premières. De même, il faut selon moi conserver le principe de non-cumul des primes : j’ai touché celle de vice-président et jamais de directeur. Celle-ci est d’un montant comparable à celle d’un chef de département ou directeur de composante et était soumise à l’avis du Conseil d’Administration avec mon bilan.
Ce mode de fonctionnement (qualification précise de l’emploi et de la mission, définition précise et non-cumul des rémunérations) me semble être le bon.
22. Les votes et positions des précédents présidents au sein de la CPU n’ont pas fait jamais l’objet de communication à l’ensemble de la communauté universitaire. Êtes-vous prêt à vous engager à plus de transparence ?
Benoit Berthou - Absolument. La CPU est une organisation animée par des élus, des présidents qui représentent leur établissement. Toute prise de position est nourrie des partages et échanges que permettent conseils centraux et autres instances et doit être présentée.
Il serait également intéressant de mieux relayer les travaux menés au sein de la CPU : la présentation des réflexions menées sur l’Europe, l’innovation, les campus (actes des colloques 2018, 2017 et 2016 qui sont d’ailleurs disponibles en ligne) auraient permis de nourrir le débat collectif.
23. L’Université est notoirement sous-dotée. Quels arguments comptez-vous faire valoir pour obtenir une réévaluation du budget de l’Université ? Comment envisagez-vous la négociation avec le MESRI ?
Benoit Berthou - Le faible montant de notre budget récurrent est un véritable problème, que l’actuelle crise sanitaire ne va pas simplifier bien au contraire. On sait d’emblée que la négociation sera serrée et qu’il faudra faire valoir un solide argumentaire. Je propose d’élaborer celui-ci au regard de plusieurs axes.
Tout d’abord, clarification de notre positionnement territorial et institutionnel. Les ministères, et le notre ne fait pas exception, déteste plus que tout les redondances en terme de mission qui sont bien souvent vues comme autant de gaspillages.
A ce titre, il nous faut renouer le dialogue avec nos partenaires les plus proches géographiquement et par exemple mettre en évidence la spécificité de notre offre de formation et de recherche avec celles de Paris 8 et de Cergy. Il n’est pas question de fusionner ou d’envisager quelque forme de rapprochement que ce soit, juste de mettre en évidence la complémentarité d’établissements voisins.
Dans la même optique, il nous faudra également clarifier notre inscription dans l’Alliance Sorbonne Paris Cité et montrer en quoi le fait de mieux doter notre établissement permet de donner une dimension véritablement régionale à cette initiative. Si elle ne l’acquiert pas, cette Alliance aura perdu son identité et toute sa raison d’être.
Egalement, il nous faudra valoriser nos activités et notre contribution à la construction de la métropole que j’évoquais plus haut. Celle-ci relève des missions fondamentales de toute université que sont l’appui aux politiques publiques menées pour répondre aux défis sociétaux ainsi que la promotion sociale et le développement des territoires.
Enfin, il faudra s’organiser. Dans le contexte actuel, l’impréparation et le manque de coordination se paieront au prix fort.
24. La mandature précédente a procédé à des allocations budgétaires assez mécaniques aux composantes, selon des critères arbitraires et strictement comptables, renvoyant à chaque composante la responsabilité des coupes budgétaires. Entre autonomie des composantes et règles communes, quelle est votre position ?
Benoit Berthou - Votre question interroge directement notre organisation en tant qu’université et le statut de nos composantes. Le récent rapport de l’HCERES l’avait d’ailleurs pointé du doigt en évoquant un modèle jugé trop « facultaire ». Certains établissements ont effectivement fait le choix de ne plus fonctionner par « composantes » mais d’organiser leur action par « champs » de recherche ou de formation.
Je ne partage pas cette position et propose de défendre un modèle fédéral plus qu’unitaire, articulant autonomie de ses composantes et gestion partagée d’un espace et d’outils communs. Je dis bien « commun » plus que « central » : la composante reste le lieu de référence pour les personnels de l’université, c’est là que réside la clé de leur engagement au service de notre université et les conditions de réussite dans nos multiples missions. Il s’agit donc de leur permettre d’accompagner nos personnels et d’encourager toutes les initiatives tout en les invitant à coopérer.
L’avenir de notre université se joue aussi dans « l’inter-composante », et seule la coopération entre domaines d’expertises et disciplines peut permettre de formuler des propositions adaptées aux actuels défis de notre société, que ce soit en terme de formation (pensons aux intéressantes coopérations IUT-UFR) ou de recherche.
A cet égard, se posent deux problèmes à commencer par le statut des conseils de gestion de composantes et de leurs représentants qui n’est pas clair. La position du directeur de composante le montre bien : invité permanent au Conseil d’administration et à la Commission Formation et Vie Universitaire, il dispose d’un espèce de droit d’information mais pas d’un vrai pouvoir de décision au niveau de l’université. Et ce alors qu’il représente pourtant une collectivité qui participe directement de l’élaboration de notre offre de formation et de recherche.
Je propose donc de repenser le Conseil des directeurs de composantes qui doit être considéré comme un conseil électif à part entière. L’ordre du jour doit être élaboré avec les directeurs et leurs conseils de gestion et ce Conseil des directeurs doit permettre d’échanger avec tous les vice-présidents et le cas échéant les directeurs de services centraux.
Sur le plan des budgets, ce n’est également pas clair et vous posez une vraie question. Je ne comprends pas la clé de répartition entre composantes : elle n’est pas directement corrélée au nombre d’étudiants ou de laboratoires et je ne sais pas exactement comment elle est calculée. C’est un vrai problème car cela place les conseils de gestion et leurs représentants dans une situation intenable : sommés d’appliquer une enveloppe donné, qu’ils ne comprennent je crois pas plus que moi, ils n’ont parfois pas d’autre possibilité que de demander des explications au Président et son équipe. Il nous faut réfléchir à cette clé de répartition, donner aux composantes une visibilité budgétaire et leur permette de disposer librement de leurs ressources propres afin de mener une vraie politique de développement : c’est ce que nous avons fait au CEDIP avec le « Contrat Objectif Moyen ».
Dans cette organisation, je serai attaché à deux principes. 1/Fonctionner en UFR, ou plus exactement continuer à encourager les porosités entre le « F » de formation et le « R » de recherche : c’est dans la rencontre entre ces deux activités que se joue l’identité de l’université. 2/Etre présent sur tous les campus : aujourd’hui, le Président est installé à Villetaneuse et ne dispose pas d’un bureau à Bobigny et Saint-Denis, ce qui peut donner à ces composantes l’impression qu’on les oublie et qu’ils sont éloignés du centre de décision. Le Président d’une université multi site ne doit pas se cantonner à un seul emplacement et partager le quotidien de l’ensemble des composantes.
25. Les investissements ont été trop faibles pour l’entretien et la mise aux normes des bâtiments ces dernières années, rendant inacceptable les conditions d’accueil et de sécurité des étudiants et des personnels. Quelles seront vos priorités concernant la gestion du patrimoine ?
26. La question de la réhabilitation du bâtiment de l’Illustration à Bobigny est devenue un serpent de mer. Les locaux restent inachevés, des formations manquent de place ou ne disposent pas de locaux en propre. Dans ce contexte et face à un besoin urgent de locaux communs pour la vie étudiante, que comptez-vous faire pour accélérer les choses et sortir de cette impasse ?
Benoit Berthou (questions n°25 et 26) - Je vous propose de regrouper les deux questions qui me semblent aller de pair.
La question de locaux est effectivement centrale et les récents événements montrent bien qu’il y a problème. Je pense bien sur à la crise sanitaire, qui a mis en évidence la vétusté de certains de nos équipements, mais également à l’instabilité à la tête de notre service « Patrimoine » qui montre que le problème est de taille. Et il nous faut le résoudre : sans service central et maintenance efficace, à quoi bon rénover ?
Le problème est en effet de taille : nous parlons ici d’investissements lourds, bien souvent au-delà de nos moyens, ce qui nous rend dépendant de l’aide de la Région ou de l’Etat. Celles-ci sont essentielles et nous avons pu bénéficier d’investissement massifs pour la construction du bâtiment Maths TIC ou la rénovation du Campus de l’Illustration. Comme vous l’indiquez, ce dernier dossier n’est pas bouclé et les financements manquent : il faut reprendre les discussions avec la Région et l’AP/HP pour que ce campus puisse prendre pleinement sa place.
A côté de ces aides, il nous faut également dégager de nouvelles ressources. Ce doit être la mission de notre Fondation dont l’action doit être mise au service de l’embellissement de nos campus. Il s’agit de convaincre des entreprises que disposer d’une université attractive, sure et bien équipée est un atout pour le territoire dans lequel elles opèrent. A ce titre, il faudra réfléchir sur les statuts de cette fondation et nous demander s’il n’y a pas lieu de la reconstituer en fondation partenariale plus qu’universitaire : la définition d’un horizon précis de coopération permet de proposer une plus grande implication des acteurs économiques.
Le développement de cette fondation est d’autant plus important qu’il permettrait de mieux répartir le fruit de nos partenariats. Aujourd’hui, les composantes rénovent leurs locaux en utilisant leurs ressources propres (taxe d’apprentissage et recettes de formation professionnelle). Cela va dans le sens de l’embellissement de notre université, mais fait également planer le risque d’un déséquilibre entre composantes et donc secteurs de formation et de recherche. Les ressources de la Fondation permettraient de corriger cet état de fait.
27. Une grande part du patrimoine est constitué de passoires énergétiques, mais beaucoup de choses pourraient être améliorées sans nécessairement passer par des investissements très lourds. Quel plan d’action proposez-vous pour arrêter ce gâchis ?
28. L’USPN souffre de l’éclatement et de l’éloignement de ses campus, avec une place démesurée accordée à l’automobile. Que proposez vous pour améliorer l’accès aux sites et quelles solutions de mobilité proposez-vous pour faciliter les déplacements intercampus ?
Benoit Berthou (questions n°27 et 28) - Je regroupe également ces deux questions car elles me semblent relever d’un même plan d’action : l’inscription de notre université dans un processus de transition énergétique et plus largement de promotion du développement durable.
Ces deux notions occupent une place centrale dans notre programme. Et il faut à cet égard constater que nous sommes en retard. Nos infrastructures datent : bureaux mal chauffés, salles glaciales, hall ventés et pourtant lourde facture énergétique… Nos campus ne sont pas adaptés.
Il y a des solutions et celles-ci commencent selon moi par une réflexion sur les informations dont nous disposons. Etablir une cartographie énergétique de nos infrastructures serait par exemple intéressant : nous disposons aujourd’hui des outils et compétences pour le faire et cela permettrait d’asseoir un vrai plan d’action. Je pense même souhaitable d’aller plus loin : construire une approche démographique de nos infrastructures afin de planifier leur usage. Une solution comme GeoCampus permettrait par exemple de cartographier les flux possibles au sein de l’ensemble de nos bâtiments.
Fort de l’ensemble de ces données, nous pourrions nous inscrire dans le plan « Bâtiments durables » de la Caisse des Dépôts ou encore soutenir le projet « Intelligence ambiante et collective » développé au sein de Rêve de Scène urbaine.
Quant à la mobilité des étudiants et usagers, un travail similaire pourrait être entamé. Il nous manque une cartographie des temps et modes d’accès des étudiants à nos campus. Celle-ci permettrait d’entamer une réflexion sur les services que nous pourrions leur proposer : vestiaires et tiers-lieux, co-voiturage et partages de mobilités… La même réflexion vaut pour les personnels et la mobilité inter-campus : quels sont les services et agents qui se déplacent le plus et pour quelles missions ? Des données permettraient d’envisager des solutions : électrification progressive du parc automobile, partage des circulations…
Ces deux initiatives pourraient même prendre la forme d’un mapathon, cartographie collective impliquant personnels et étudiants. Ce serait l’occasion de présenter à l’ensemble de notre communauté les objectifs de développement durable sur le mode du projet et de leur proposer de s’y impliquer de façon concrète.
29. Comment intégrer la responsabilité sociale et environnementale dans nos missions, mais aussi dans l’ensemble de notre fonctionnement (services généraux, infrastructures...) ?
Benoit Berthou - Je suis ravi de cette question et je regrette même qu’elles viennent un peu tard dans votre questionnaire. Cette notion de responsabilité sociale et environnementale est au centre de nos propositions et nourrit l’ensemble des réflexions que nous avons mené (voir par exemple URL < https://projetpartagep13.frama.wiki/devdurable>)
Nous sommes tout d’abord animés par une conviction : il y a nécessité à permettre l’émergence de nouveaux modèles de développement. L’actuelle crise sanitaire met en évidence l’urgence qu’il y a à les inventer, mais le constat est partagé depuis longtemps : nous sommes au bout de quelque chose et nous faut renouveler nos modes de production et de consommation. Et vis-à-vis de cet objectif, une université (et la nôtre en particulier) peut jouer un rôle de premier plan.
Pour le démontrer, je fais une démonstration toute simple : examinons les missions de notre université au regard des 17 objectifs de développement durable adoptés par l’ONU en 2015.
• « Eliminer la faim, assurer la sécurité alimentaire, améliorer la nutrition » (objectif n°2) : pensons au développement du Nutriscore et du programme Nutrinet mené au sein de l’EREN,
• « Permettre à tous de vivre en bonne santé et promouvoir le bien-être de tous à tout âge » (n°3) : pensons à nos nombreuses activités dans le domaine de la santé publique, de la Chaire de Science infirmière du LEPS aux métiers de la cohésion social
• « Bâtir une infrastructure résiliente, promouvoir une industrialisation durable » (n°9) : pensons aux multiples transferts de technologie opérés entre LPL, LSPM ou LIPN et de nombreuses entreprises…
La liste pourrait encore s’allonger, notamment vis-à-vis de nos activités de formation : nos dispositifs d’apprentissage servent le « plein emploi productif » et le « travail décent » (n°8). Accueillant des publics variés sans discrimination, ils « assurent l’accès de tous à une éducation de qualité » et font la promotion « des possibilités d’apprentissage tout au long de la vie » (n°4)…
La responsabilité d’un président d’université est selon nous de s’inscrire dans ces différents axes de développement, et ce à plusieurs titres.
• Au niveau de ses actions, par exemple en matière de lutte contre les discriminations tant chez les étudiants que chez les personnels : nous souhaitons ainsi, à l’instar d’autres administrations, obtenir les labels « Egalité professionnelle entre les hommes et les femmes » et « Diversité »
• Au niveau de la sensibilisation, à travers la nomination d’un chargé de mission. Celui-ci aura pour mission d’identifier des convergences entre nos activités et des propositions issues de la société civile vis-à-vis d’un certain nombre de ces objectifs
• Au niveau de sa gestion, en favorisant l’épanouissement des personnels, sécurisant et accompagnant leurs trajectoires professionnelles (démarche Qualité de vie au Travail, voir plus haut) et s’assurant de la soutenabilité financière de l’établissement.